Propositions de méthodes d’animation de groupe

Père Patrice Sonnier
Père Patrice Sonnier

 

 

Proposition
du père Patrice SONNIER
Prêtre référent des AMZ France

  • Transmettre la spiritualité de Maurice Zundel suppose d’en être nourri soi-même, ce qui impose de le lire, de le relire, de méditer sa pensée en rapprochant son enseignement de celui des écritures, voire de la doctrine de l’Eglise dont il fait souvent mention. Cette préparation se fait avec l’aide de la prière
  • Offrir le texte aux participants par contact direct en expliquant le titre (même si il a été transmis par e-mail quelques jours avant, tous ne l’ont pas forcément lu, encore moins imprimé)
  • Avant de commencer l’écoute de M.Z, situer le texte dans l’époque et dans le cadre sociétal, donner aussi l’intérêt spirituel du contenu
  • Ecouter le texte en le suivant sur papier. A la fin méditation silencieuse.
  • Echange et partage
    chacun peut exprimer son ressenti, son expérience dans le quotidien, ses interrogations, son incompréhension, l’animateur peut répondre lui-même aux questions mais il peut aussi s’effacer et solliciter la réponse des participants eux mêmes tout en veillant à ne pas laisser le groupe dévier du sujet traité dans le texte.et en ayant soin éventuellement d’éviter qu’aient lieu des apartés peu profitables à tous.

L’animateur peut aussi guider le groupe en l’amenant à réfléchir sur la dimension universelle du message de M.Z, sur son actualité, sur la manière dont il rejoint une réalité.et sur le retentissement qu’il suscite dans nos vies.

  • La tâche de l’animateur est accomplie si chacun sort heureux de cette réunion et peut dire : « On a vécu un moment merveilleux.

     Réflexion sur une méthode par les AMZ Canada

  1. L’Esprit qui nous anime

A partir de l’expérience dans les groupes de partage, les responsables ont déjà dégagé certaines consignes qu’ils tentent de suivre dans leur animation. Ils savent toutefois qu’aucune technique ne peut remplacer le charisme personnel. En ce sens, nous voulons avant tout favoriser l’échange entre les membres, ce que nous désignons par le mot « partage ». Plutôt que la transmission d’un savoir, plutôt qu’un enseignement, ce qui est visé par­dessus tout est un climat où les interactions se vivent avec confiance.

 

  1. La liberté de chaque groupe

En donnant ainsi priorité à l’intuition, nous croyons surtout en la liberté de l’Esprit. Un groupe peut cheminer vers sa propre identité et accepter les inévitables tâtonnements d’une telle démarche. Les membres s’accueillent mutuellement en acceptant de traiter les sujets qui leur tiennent à cœur. Il arrive parfois que nous sommes amenés dans des voies imprévues, si bien que nous vivons un certain abandon spirituel. En assumant de tels moments, nous prions implicitement l’Esprit de nous conduire.

  1. La spontanéité et la transparence

Là où la confiance règne, là où la spontanéité et le naturel ont vaincu la méfiance des débuts, la franchise des rapports entre les gens fait œuvre de vérité, c’est-à-dire qu’une vertu commune apparaît peu à peu: la transparence. Ce phénomène peut sembler être une « norme de groupe » plus ou moins assumée, risquant d’occasionner des incidents de parcours où les gens se sentent piégés. Il est alors important de faire appel à la bienveillance et au respect de l’inviolable dignité de chaque membre. Une vigilance est sans cesse requise en ce sens, et un discernement est toujours nécessaire.

  1. La confidentialité à respecter

Le contexte intimiste de nos groupes impose la plus grande discrétion sur ce qui est dit au cours des rencontres. C’est que le cheminement spirituel des membres comporte de délicats problèmes qui impliquent la conscience individuelle. Il serait abusif d’intervenir à ce niveau, en jugeant les résistances des autres, les pressions que l’on croit subir, les tergiversations et motifs que chaque personne allègue en évoquant ses attitudes propres. Prenons donc conscience que le jugement s’infiltre dans le moindre effort de persuasion pour faire changer les autres.

  1. La maturité du groupe

Le groupe atteint sa maturité en assumant, graduellement, toutes ses responsabilités. A chaque incident de parcours il y a une prise en charge qui s’impo5e. Les forces elles faiblesses apparaissent telles qu’elles sont, bien que le discernement ne SOli pas toujours évident. En acceptant les limites de chacun on accepte aussi les limites du groupe. Dès que l’humilité de l’ensemble le permet, une dynamique s’installe à travers laquelle les succès et les insuccès, toujours relatifs et temporaires, rendent les efforts sans cesse perfectibles. Le groupe accepte de s’auto-corriger.

  1. Une évaluation permanente

Est-il possible de se « critiquer » comme groupe et de s’en tenir aux manières de procéder sans affecter les personnes concernées? Cette question préalable doit toujours se poser. Le besoin d’être d’abord en confiance, d’être reconnu et valorisé, de se sentir à l’aise pour parler ouvertement, c’est le premier besoin à considérer. Quand celui-ci est assuré, confirmé, alors le besoin de progresser vient naturellement. On commencera à corriger de petits détails avant de s’attaquer à des difficultés plus grandes. Et il n’est pas inutile de rappeler les points déjà acquis, de manière à prendre appui sur les petites victoires avant de relever de plus grands défis.

  1. L’humain imbriqué dans le divin

Il est justement assez paradoxal de constater que ce n’est pas en parlant de Dieu qu’on apprend à en vivre. Le partage porte de préférence sur les événements de la vie quotidienne. Ce sont des faits vécus qui ont un rapport avec le texte spirituel qui a été lu. Il arrive que le lien n’est pas évident, ni pour la personne qui parle, ni pour les autres. Nous n’avons aucune certitude que la lumière se fera, ni pendant la narration, ni après. Nous écoutons globalement tout ce qui est communiqué: la personne, ses émotions, ses perceptions, son vécu. Toute l’attention est portée à la vie réelle parce qu’elle mérite une attention infinie.

  1. La parole qui émerge du silence

Plusieurs motivations nous poussent à parler, même à propos de spiritualité. Quand nos motivations deviennent conscientes, nous pouvons les purifier, les sélectionner et avouer aux autres nos intentions les plus vraies. Le but premier des partages n’est pas d’édifier ou de montrer que l’on a bien compris le message sur lequel le groupe médite ensemble. Nous croyons que le silence intérieur révèle le contenu authentique, l’être profond qui est un mystère d’amour. Cette parole est indicible, mais émerge quand même comme une « musique silencieuse » à travers la vérité des personnes. En ce sens, on parle plus fort par ce que l’on est que par ce que l’on dit.

  1. Le néologisme qui dérange

Qu’il est dur, dur, dur, d’apprendre à désapprendre! Par exemple, le mot « désappropriation » est un néologisme que nous sommes amenés à nous approprier! Nous avons beau nous l’expliquer de mille manières, avec humour ou avec le plus grand sérieux, nous allons réaliser qu’il nous engage profondément. Chacun en fera un récit personnel. Les récits particuliers délimiteront les circonstances (temps, lieux, personnes, liens d’intérêt, motifs, influences, contextes culturel et social, facteurs humains et religieux, etc.) et chaque circonstance méritera une attention spéciale. L’appel à une pauvreté radicale se fera entendre subtilement, ou subrepticement, ou d’une manière fulgurante, selon les voies de l’Esprit.

  1. La pastorale du cheminement

Les exemples de vie décrits par Maurice Zundel ont un caractère infinitésimal, selon sa propre expression. Sa narration met en valeur le comportement et l’attitude qui, à la lumière de son observation, fait passer du moi-possessif au moi-oblatif. Le langage de notre auteur, qu’il passe par la description de faits de vie, ou par ses interprétations spirituelles, ou encore par des élans d’expression mystique, demeure un langage humain. Dieu nous parle par ce langage et nous laisse son message fondamental: sa présence amoureuse au cœur de notre être. Nous savons que cet événement se déroule tout au cours de la vie comme une lente libération. Ce travail s’opèrent en chaque âme, par le biais des interrelations humaines, parfois même sans que nous en ayons une conscience claire. Notre expression « pastorale du cheminement » veut rendre compte de ces convictions.

  1. Tout est valable pour le Royaume

C’est un fait brut que nous transformons en lumière. Le fait brut est la matière première, transmise à tous les autres membres du groupe en même temps, susceptible d’être transformée par l’infinie Présence en laquelle nous sommes rassemblés. Le fait est rapporté à l’occasion d’une lecture, d’un texte de Zundel. Le fait est en lien plus ou moins explicite, selon la compréhension de chacun, mais c’est le travail de l’Esprit saint, au cœur de chaque personne, de le dévoiler. Tout est valable, à cet égard. Tout ce qui est réellement vécu mérite une attention, une écoute sincère, un respect valorisant. Tout est digne de partage, soit comme un événement qui appelle l’inviolable dignité de chaque humain, soit comme événement qui peut dévoiler le Visage d’amour.

  1. Les partages manqués .

Les partages manqués méritent aussi une étude sérieuse: ils sont vécus comme des insatisfactions, ils sont des ressentis qui entrent en jeu dans tout cheminement spirituel. Ils appellent la patience, la mansuétude, le pardon, la tolérance et quoi encore. Quand, à la fin d’une rencontre particulièrement chargée d’attentes, le constat d’échec nous navre, les manques peuvent venir corroborer notre marche globale vers la plénitude désirée. L’impression de bavardage peut être mentionnée, ou encore un glissement vers le débat, vers une discussion sur des idées. Pourquoi s’en faire? C’est l’occasion de se persuader que les idées sont moins importantes que le vécu. L’affirmation répétée d’une conviction crée parfois un malaise voire une irritation, même chez les gens qui ont une même conviction: encore davantage chez qui cette conviction ne suscite pas d’écho. Une tendance à marteler l’esprit d’autrui avec des opinions sincères peut soudainement devenir consciente et provoquer la bonne résolution d’y renoncer. Il y a donc mille manières de se rendre sensible aux réactions d’autrui.

  1. Soyons ouverts et disponibles

Alors pourquoi le groupe se réunit-il pour lire ensemble les textes du maître? Une des réponses possibles réside dans la vertu du silence de groupe, celle qualité de recueillement indispensable pour se laisser pénétrer par l’Esprit présent dans le groupe. Il ne suffit pas de se taire, ni d’écouter les autres, en attendant l’inspiration éventuelle. Une altitude plus active doit normalement être sollicitée, particulièrement des plus timides. Le membre AMZ s’offre au groupe de partage et amorce ainsi une libération qui l’invite à se donner. « Quiconque fait la vérité vient à la lumière » (Jn 3, 19-21). Ce « faire» appliqué au devenir spirituel implique certainement une disponibilité aux besoins du milieu; c’est un milieu humain imprégné de divin. Le dialogue avec la Vérité, au cœur du quotidien, se poursuit en groupe avec la simplicité et l’authenticité du don.

  1. Une méthode en voie d’élaboration

L’objectif général des groupes AMZ vise la vie spirituelle des membres en même temps que leur développement humain. C’est précisément ce double aspect, profondément ressenti dans la culture moderne, qui répond aux besoins d’aujourd’hui. Or les mentalités religieuses ne sont pas toutes ouvertes à cet égard. On retrouve encore un fondamentalisme, un formalisme, un paternalisme et d’autres déviations semblables qui font des ravages dans les consciences. Il convient de les dépister et de les dénoncer dans le travail pastoral, à l’intérieur des groupes. La vigilance s’impose. La lutte de libération prolonge alors le niveau de la compréhension formulée au départ. En cela, l’objectif des groupes implique un engagement et une croissance, une démarche intégrant la pensée, l’action et la relation vivante aux autres. Si l’on écarte la dimension strictement thérapeutique, c’est parce qu’il y a une part de vérité déjà présente dans la méthode AMZ du travail de groupe.

  1. Le beau risque

Les considérations que les responsables peuvent dégager de leur pratique contribueront à rendre la démarche plus cohérente, sans pour autant viser une efficacité ou une stratégie. Il s’agit souvent de se poser les bonnes questions et de les amener progressivement dans une altitude priante et communautaire. L’influence des groupes AMZ se propagera d’autant mieux que l’identité propre à chaque groupe sera mieux affirmée, dans une ouverture à toutes les différences, dans un esprit authentiquement universel. Le beau risque de cette aventure conduit à la joie, même à travers les peines du parcours.

 Gilles Guérard