Le père Bernard de Boissière est décédé le 26 avril 2016. Merveilleux passeur de Maurice Zundel auquel il a consacré plus de 40 ans de sa vie, il a patiemment cherché et retrouvé des homélies enregistrées ou prononcées au sein de clôtures, des conférences, des correspondances, des suivis spirituels et les témoignages qui constituent le patrimoine Zundel et nous permettent aujourd’hui de découvrir, approfondir et partager cette pensée particulièrement ouvrante et encore en avance sur notre temps. Le père de Boissière évoque leur amitié spirituelle, ces heures étoilées, selon l’expression de Stefan Zweig, qui illuminèrent toute sa vie dans un livre, écrit avec la collaboration de France-Marie Chauvelot, publié aux éditions Salvator, en 2012.
Nous ouvrons à son intention une page d’hommages
Anne Sigier, éditrice.
C’est au Salon du Livre de Paris, il y a une trentaine d’années, que le Père de Boissière est passé devant moi, un matin, et m’a demandé : Connaissez-vous Maurice Zundel ?
– Non, je suis désolée…
En effet, au Canada, à part René Habachi, cet intime de Zundel, on ne nous avait pas parlé de cet auteur.
L’après-midi, ce Jésuite que je ne connaissais pas, m’apporte alors une trentaine de pages et me dit : je repasse demain matin… J’ai lu, attentivement, dans la soirée.
Le lendemain, tout souriant, il me dit : “Alors?”…
– Envoyez-moi tout ce que vous avez de cet auteur. De très nombreux lecteurs vont trouver – ou retrouver- la Vie avec l’Esprit qui habite ses mots.
Quinze livres sont nés de cette rencontre… Maurice Zundel n’était pas assez connu et ce fut un bonheur de pouvoir publier ces livres qui nous appelaient à une véritable conversion pour dire Dieu dans notre quotidien, non dans les mots, mais dans nos regards, nos partages, dans nos pardons, dans notre silence aussi.
Le Père de Boissière disait que découvrir et écouter Maurice Zundel c’était entrer dans le cœur de l’Évangile. Que le rayonnement spirituel de ce prêtre était comme un baume répandu sur les blessures de la vie de ceux qui se confiaient à lui. Il disait cela par expérience personnelle aussi en suivant les conseils de ce confesseur qui se tenait à genoux près de lui en l’invitant à poursuivre sa mission dans le don et le pardon, dans la prière et le silence. Et l’invitation de Bernard de Boissière, aujourd’hui, est certainement un appel à une véritable communion entre toutes ces personnes des groupes des Amis de Zundel en Suisse, en France, en Belgique et au Canada. Pour que cette communion produise un témoignage fécond et donne l’envie de découvrir cet homme de Dieu qu’est Maurice Zundel. De vivre l’Évangile dans la liberté, dans la vérité, dans le partage et dans la joie.
Merci de l’immense travail accompli par vous Père de Boissière et par votre confrère Albert Longchamp de la Fondation, pour que le message et le témoignage de ce pasteur ne tombent pas dans l’oubli et soient de plus en plus offerts aux jeunes, aux familles, aux communautés, à tous!
Merci, Père de Boissière, votre mort est ce passage vers la Vie en plénitude et vous nous avez prouvé que cette attente de la mort était un abandon total à la Providence! Vous êtes entré dans un silence habité de la Présence et vous nous invitez à poursuivre ce chemin de la désappropriation pour dire Dieu, pour vivre Dieu, en communion et dans l’Amour!
Anne Sigier
L’AMZ Canada rend hommage au père de Boissière dans son bulletin Présence d’avril 2017
Sylvie Germain, écrivain.
Je n’avais pas revu le Père de Boissière depuis qu’il n’habitait plus rue de Grenelle, mais je pensais souvent à lui.
A chaque rencontre, il me touchait par le mélange de candeur et de passion qui l’animait, et aussi de pudeur et de grande sensibilité, de foi profonde et cependant de mélancolie. Je lui dois la découverte de Maurice Zundel, cette merveille d’homme (qui incarne une haute forme de sainteté), ce penseur à la fois si inspiré et rigoureux. Zundel aura été le compagnon d’âme et la lumière de Bernard de Boissière tout au long de sa vie.
Et ce que j’ai toujours admiré chez Bernard de Boissière, c’est sa générosité: il aimait partager sa passion zundelienne, faire don aux autres des paroles et écrits de son “maître” spirituel. J’ai cru comprendre que sa générosité et sa confiance n’ont pas été toujours appréciées à leur juste valeur, et même parfois un peu abusées, ce qui l’affectait beaucoup. Mais son humilité l’emportait sur tout.
Je garde un souvenir ému du Père de Boissière, et une grande gratitude à son égard. Il a été pour moi, comme pour vous, le passeur du lumineux Zundel, dont il est resté si proche spirituellement tout au long de sa vie.
Sylvie Germain
Cher Bernard, Comment vous remercier ?
Vous aviez précisé à notre éditeur « je souhaite travailler avec une personne ne connaissant pas Zundel », vous vouliez initier une découverte sans à priori. Vous m’avez raconté « votre » Zundel et je me demandais : Vais-je partager cet enthousiasme ? Vivre cette émotion ?
Puis vous avez commencé à me donner des documents, encore et encore, pour orienter au fur et à mesure mes recherches. Et, comme l’avait dit notre ami commun devant le David de Michel-Ange, “j’ai été prise.” J’ai vécu et partagé votre éblouissement pour ce prêtre suisse qui parlait de son expérience de Dieu tout en s’effaçant pour nous laisser en présence de la Présence…
Nous avons eu des discussions passionnées, nous faisant avancer l’un l’autre sur ce chemin d’Aventure.
J’ai eu le bonheur de pouvoir vous exprimer à plusieurs reprises, et en particulier dans vos derniers jours, toute ma gratitude avec, à travers la mienne, celle de tous ceux qui, grâce à vous et à Anne Sigier, ont découvert cette pensée magnifique, ce souffle spirituel qui « nous tourne vers le Soleil ».
Vous avez été un merveilleux passeur, cher Bernard. Vous rencontrer, c’était se mettre en chemin vers la Rencontre.
Merci.
France-Marie Chauvelot
Maurice Zundel et Bernard !
L’ autobiographie de Bernard -« mes heures étoilées avec Maurice Zundel » – donne de nombreux détails sur sa relation exceptionnelle avec l’abbé Zundel. Je vous y renvoie et me limite donc à un témoignage personnel.
J’ai eu la chance d’aider Bernard à faire l’inventaire de ses trésors Zundéliens. Pour chaque document et chaque objet souvenir, Bernard me faisait des commentaires sur les lieux, les conditions d’écritures ou de conférences. Sa connaissance de Zundel intime était prodigieuse et il revivait chaque évènement raconté, comme si c’était hier, avec une précision et une émotion intactes. En écoutant Bernard j’ai connu Zundel « du dedans », comme Zundel lui-même le recommandait et le pratiquait pour entrer dans une relation vraie avec une personne. Et tout était merveilleux.
Bernard et Zundel ce sont 80 ans de compagnonnage ; 40 années du vivant de Zundel, 40 années après sa mort, 80 ans d’éblouissement devant la puissance et l’actualité de la pensée de Maurice Zundel ; tout cela conforté par une amitié personnelle pendant les 12 dernières années de la vie de l’abbé Zundel.
Car si Zundel fut une grande lumière spirituelle pour Bernard, ce fut aussi, et peut-être surtout, un grand ami. Cette amitié personnelle s’est construite notamment au fil de leurs entretiens, chaque été, dans la chambre enfumée de Maurice Zundel dans son presbytère d’Ouchy. Et ce n’est pas un hasard si, il y a 41 ans, 15 jours avant sa mort, Zundel pleurait sur l’épaule de Bernard.
C’est pourquoi Bernard était le seul à pouvoir écrire une biographie de Maurice Zundel.
Bernard, quelle chance tu as eu de rencontrer l’abbé Zundel ! Mais l’abbé Zundel a eu de la chance de te rencontrer. Car à ces 12 années lumineuses ont succédées 40 années de travail ininterrompu pour recueillir tout le patrimoine possible et le diffuser le plus largement possible. Tout dans cette démarche est extraordinaire, au sens premier du terme, c’est-à-dire hors du commun, je dirais même titanesque. Fruit de ce travail, la postérité gardera les textes de 1500 inédits de Maurice Zundel, mais aussi les 1500 titres que leur a donnés Bernard.
Et tout cela avec un dévouement, un désintéressement, une générosité et une créativité inouïe. Un dévouement de tous les instants, qui mobilisait toute son énergie. Bernard vivait chaque jour par Zundel et pour Zundel. Un désintéressement exemplaire, car cette vie entièrement donnée pour quelqu’un d’autre, ne lui a absolument rien rapporté matériellement et lui a causé plus de conflits que de notoriété. C’était sans doute une de ses façons de vivre la désappropriation prônée par l’abbé Zundel.
La générosité de Bernard quand il s’agissait de diffuser des textes de Zundel était sans limite ni de personne – bien des présents ici pourraient témoigner en avoir reçu spontanément de la main de Bernard – ni de quantité, car Bernard ne lésinait jamais sur le nombre de photocopies.
La créativité de Bernard pour diffuser la pensée de Zundel était permanente : réédition de livres, création de l’AMZ et du Bulletin, édition d’anthologies, de retraites et d’articles de journaux ou de revues, émission de radio et de télévision en France en Suisse et au Canada, conférences et retraites, création de la Fondation, etc… Bien sur il n’a pas fait tout cela tout seul et à chaque période de son action Zundélienne il a su trouver des aides et des amis. Je me permets ici de citer particulièrement Anne Sigier, merveilleuse amie et éditrice de 15 livres de Maurice Zundel. Mais la source c’était lui, le moteur c’était lui.
Alors pour Bernard il n’y avait aucun doute : Zundel était un saint ; et il a fait tout ce qui était en son pouvoir pour initier le processus de béatification. La fidélité à Bernard que nous manifestons tous ici autour de son cercueil nous impose de reprendre le flambeau pour faire avancer cette béatification.
Bernard, pour moi tu resteras un sourire désarmant, un complice de fou rire- car nous partagions un même sens de l’humour-, une amitié spirituelle aussi riche que mystérieuse. Tu citais volontiers cette phrase de Zundel : « l’amitié c’est quand le courant passe ». Merci de m’avoir fait expérimenter la vérité, la profondeur et la joie de cette vision d’une relation interpersonnelle vraie.
Vraiment, quelle chance j’ai eu de te connaitre !
Philippe Labrusse
On dit que l’on ne change pas de vie mais qu’elle continue autrement, rencontrer le père de Boissière et avec lui découvrir l’abbé Zundel a été pour moi comme une grande porte ouverte vers une profondeur et en même temps une évidence simplicité qui était là.
Plus rien n’est interdit, tout est sacré ! Dieu est toujours déjà là… Mon regard à changé, mes mains, mes mots, ma vie.
Merci, merci pour ces prêtres qui nous font « toucher » le Christ !
Anne-Claire
Le Père de Boissière est mort le 26 avril 2016 dans sa 95ie me année. Et pourtant, celles et ceux qui ont bien connu, rencontre ou lu le Père de Boissière l’ont sans doute entendu leur glisser a l’oreille reprenant les mots de Maurice ZUNDEL : « … le vrai problème n’est pas de savoir, si nous vivrons après la mort, mais si nous serons vivants avant la mort, …en effet, s’il y avait en nous cette grandeur, cette puissance de rayonnement ou s’atteste une valeur, s’il y avait en nous une source jaillissante, si notre vie portait partout la lumière, …la mort serait progressivement vaincue ».
Porter partout la lumière, c’est assurément là, la mission revêtue par le Père de Boissière lorsqu’il répond a l’appel au sacerdoce. Plus tard, cette lumière prendra pour lui, une couleur nouvelle, inattendue, merveilleuse, c’est en ce jour d’éte 1957 ou il a fait la rencontre du Père Maurice ZUNDEL. Comme, il le dira lui-même bien souvent: « Je me suis senti tout de suite écouté et aimé de quelqu’un avec un très grand respect » « Cela a change ma vie en ce sens que cela m’a libéré ». Cette rencontre prendra alors la forme d’un long compagnonnage spirituel jusqu’à la mort en août 1975 de Maurice ZUNDEL.
Quelques temps après, Paul ABELA, un ingénieur qui avait déjà organisé des réunions en France ou Maurice ZUNDEL avait éte invité à parler, écrit au Père de Boissière pour lui proposer de créer une association. Ils décident de se rendre a Genève aupèe s de l’abbé MARECHAL, exécuteur testamentaire de Maurice ZUNDEL. L’abbé MARECHAL se considérant trop âgé délégué sa mission au Père de Boissière. Tous deux « se donnent comme tâche de faire connaitre au plus grand nombre un si magnifique exemple de sainteté pour notre temps » comme le Père de Boissière l’écrira. Cette tâche sera désormais le coeur de sa vie. Durant plus de 20 années, il va sans relâche recueillir témoignages, notes prises, enregistrements d’homélies et de conférences. Il réunira ainsi des milliers de documents de toute nature, des centaines d’enregistrements qu’il fera retranscrire. Grâce a ce patrimoine, il fera revivre la personne du Père Maurice ZUNDEL et donnera généreusement à qui lui en fera la demande ce qu’il a découvert.
Ce sera la aussi le point de départ des associations Maurice ZUNDEL. Il y eut d’abord, une association franco-suisse qui se scinda ensuite en deux, une association par pays. Plus tard une association au CANADA et une autre en BELGIQUE. Enfin en 1995 est officialise la Fondation suisse avec l’idée de la voir servir à l’ouverture d’une cause de béatification du Père Maurice ZUNDEL.
Ces associations, il les a voulues comme un lieu ou garder vivante la mémoire et l’oeuvre de Maurice ZUNDEL a partir du fonds de documentation si précieux qu’il a constitué. Leur unique vocation est de transmettre et de faire rayonner a travers le monde la pensée de Maurice ZUNDEL. Ces associations sont donc le prolongement voulu par le Père de Boissière afin de poursuivre l’oeuvre qu’il a commencée.
Que le Père de Boissière soit ici remercié pour nous avoir donné de connaître la pensée si riche et si féconde du Père Maurice ZUNDEL, chemin de libération pour qui veut rencontrer la Beauté si ancienne et si nouvelle qui rend la vie toute vivante comme l’a confessé Saint Augustin.
Il a été l’apôtre de Maurice ZUNDEL. Avec lui, ils ont été les apôtres de Jésus Christ.
Le Père de Boissière a ensemencé les coeurs de celles et ceux qu’il a côtoyés afin qu’ils fassent la rencontre en eux de cette grandeur, de cette source jaillissante, de cette puissance de rayonnement ou s’atteste une valeur afin que dans leur vie, ils portent eux aussi partout la lumière.
Nous rendons grâce pour les nombreux fruits engendre s dont nous sommes te moins chaque jour !
Jean-Marie Dietrich
Ma rencontre avec le Père Bernard de Boissière remonte aux années 80. Lors d’un long entretien qu’il m’avait alors accordé, il avait évoqué la reconnaissance profonde et la passion ardente qu’il vouait à Maurice Zundel. À la question de savoir ce que celui-ci avait changé dans sa pratique religieuse, voici en substance, ce qu’il m’avait répondu :
« Personnellement, je ne prie plus comme avant. Prier maintenant, c’est ma vie. Je ne sais pas quand je prie. Il s’agit que je vive humainement. On est tellement encombré de façon de prier au nom de Dieu. Avec Zundel, on ne peut plus prier de la même façon. Il n’y a plus de méthode. On parle avec son cœur ! Maurice Zundel m’a libéré… Avec lui, j’ai remis en cause beaucoup de choses. Je crois à présent aux rencontres, de personne à personne. J’attache infiniment plus d’importance qu’autrefois à la simplicité, à l’affectivité dans les relations. Tout cela, grâce à Maurice Zundel. »
« O temps suspend ton vol ! » J’avoue que la pause que je marquai après cette réponse relevait du pur émerveillement, tout étonné, tout admiratif. Et mon envie grandit, encore plus forte, d’approfondir
« l’aventure zundélienne » tant celle-ci avait bouleversé la vie spirituelle comme « la vie tout court » d’un prêtre, jésuite, et polytechnicien de surcroît !
De fait, s’en suivit entre nous, une relation soutenue de travail pour diffuser la pensée de Maurice Zundel (grâce à son soutien, j’ai pu faire éditer chez Anne Sigier un premier ouvrage sur notre maître spirituel) et puis, tout naturellement, se noua une belle amitié qui ne connut aucune interruption. Chers Pères Zundel et de Boissière, depuis l’Amour que vous habitez à présent, aidez-nous à « vivre Dieu » comme vous avez su tous les deux nous en montrer si admirablement la voie.
Jocelyne Chemier-Mishkin