Zundel nous délivre du jansénisme

 

Mgr Mirkis, archevêque de Kikourk (Irak)
Mgr Mirkis, archevêque de Kikourk (Irak)

Maurice Zundel :  L’homme qui nous a sauvés du cauchemar du Jansénisme.

« On n’a pas le temps, la vie passe si vite, on est occupé par les soucis matériels, ou par les divertissements… Et finalement la mort arrive et c’est devant la mort que l’on prend conscience que la vie aurait pu être quelque chose d’immense, de prodigieux, de créateur… Mais c’est trop tard… Et la vie ne prend tout son relief que dans l’immense regret d’une chose inaccomplie. Et les survivants sont là, à pleurer ceux qui ne sont plus, qui n’ont rien fait jaillir de leur existence et à la réalisation desquels les vivants ont si peu collaboré. C’est alors que la mort, justement parce que la vie a été inaccomplie, apparaît comme un gouffre…»  M. Zundel, A l’écoute du silence, Paris, 1979,….

Maurice Zundel (1897-1975) Ce Suisse que j’ai découvert, il y a quelques années par ses écrits spirituels, eut un impact sur moi. Comment quelqu’un issu d’un des pays les plus riches du monde peut-il atteindre un si haut degré d’abnégation, d’esprit de pauvreté et de profonde spiritualité en notre temps ?
Avant de le lire, j’imaginais que les pays riches ne donnaient pas naissance aux saints, contrairement aux nations qui souffrent (comme les nôtres) où la douleur peut ouvrir l’œil de l’homme et le mettre en face de la vérité et atteindre ainsi les profondeurs de la réalité. C’est pour m’en excuser que j’ai publié en arabe un de ses livres en 2016, “Vie, mort et Résurrection” (traduit par le père Albert Abuna). 
Maurice Zundel était un prêtre sans paroisse, il est devenu un prédicateur ambulant, en France, en Angleterre, en Egypte et au Liban en particulier, il a des centaines de conférences, causeries, sermons et des retraites … Il a à son compte 19 livres, restés pratiquement inconnus de son vivant.
M.Z., un penseur d’une profondeur exceptionnelle, vous sauve des apparences pour vous conduire directement à l’essentiel, il jouit d’une culture rare, possède des connaissances dans beaucoup de disciplines, maitrisant le latin, le grec ancien, l’hébreu, l’arabe, sans parler de langues européennes.
Il est aujourd’hui l’un des plus grands spirituels de notre temps avec son intuition et son illumination. Ancienne connaissance, celui qui est devenu le pape Paul VI l’a invité pour prêcher la retraite au Vatican, alors même que devant l’incompréhension de sa hiérarchie il s’est exilé autant en Egypte qu’au Liban.
Ce qui est remarquable chez ce prêtre, c’est sa notion de la liberté de Dieu envers l’homme et son concept de Dieu, par le développement d’une nouvelle anthropologie théologique caractérisée par un sens aigu de la création et de la nature.
Sa pauvreté est profondément différente des autres. La théologie de Zundel dissipe le cauchemar des idées « Jansénistes » (17ème et 18ème siècles) qui ont engendré la peur chez les croyants pendant des siècles. La colère de Dieu !
Zundel nous a ramenés à Jésus, qui nous a libérés du Dieu terrifiant. Nous sommes sauvés de cette image incomplète de Dieu, qui est un débris de l’Ancien Testament. Dieu roi assis sur le trône, un dieu omnipotent, un guerrier qui venge et n’hésite pas à assassiner et massacrer, qui punit sans pitié. Pour M.Z. Dieu est « plein de tendresse et de pitié». Il est le Dieu de Jésus Christ vrai Dieu, père admirable, « c’est Lui la bonne nouvelle » que nous présente L’Évangile, il a comme tout père aimant : fragilité, humilité, pauvreté, et même souffrance et innocence éternelle. “Dieu ne peut qu’aimer.” “Dieu est Dieu parce qu’il n’a rien, Dieu est juste amour, incapable de contrôler, parce qu’il ne peut que se donner”. Il est le Dieu de Jésus-Christ : esprit, lumière et amour. ”
MZ criait avec véhémence : “Il est temps de nous débarrasser des vieilles idées concernant la mort », puis il ajoutait : « Le vrai problème n’est pas de savoir si nous vivrons après la mort, mais si nous vivons avant la mort !” “Parce que c’est la mort seule qui meurt. En fait, ce qui est mort est déjà mort ». Ses auditeurs devaient s’interroger lorsque MZ affirmait : « L’autre vie ne me concerne pas. Car je crois en ma vie en une autre personne qui est en moi, le Christ. “Parce que” l’autre monde est en moi. Il n’y a donc pas de “après” (…), c’est ici, maintenant, à l’heure actuelle. Et il est invité à rester pour toujours “.
Comment cela se passe-t-il ?
Maurice Zundel dit : “A un certain niveau de silence, l’homme devient un lieu saint, en lui se rencontre la présence de Dieu, faisant de lui un lieu saint, et entrant dans un dialogue qui découvre sa liberté et il se libère lui-même. Puis il s’interroge : « Qui suis-je ? Cette question est essentielle qui conduit immédiatement à la réponse qui peut sembler étrange : « Je, c’est quelqu’un d’autre », c’est celui que j’aime. Et sous sa lumière tombent tous les problèmes et se dissipent toutes les ambiguïtés, et tous les débats sur l’homme et Dieu, parce que la réponse vient de celui qui vit de l’Esprit qui nous fait comprendre l’originalité de notre existence, et nous conduit à nos profondeurs, où nous comprendrons la vérité divine qui nous libère et nous vide du « moi », et alors naitra l’homme à lui-même, pour devenir un espace sacré pour l’autre.
Maurice Zundel a eu une influence dans le monde entier. Il a fait de la théologie une réalité incarnée, révélant l’humanité de Dieu et invitant l’homme à la vie de Dieu.
Ainsi, il a compris le mystère de la Sainte Trinité, comme une délivrance du cauchemar d’une humanité qui était en vis-à-vis d’une divinité lointaine. Il a trouvé dans le cœur du Christ, ce qui est étonnant et merveilleux : que Dieu est Dieu parce qu’il communique avec nous. Il est Dieu parce qu’il se donne et ne garde rien, il est l’abnégation infinie et éternelle, qui jouit de la transparence de l’enfant, la transparence ou il n’y aucun type de saisie, mais tout est dirigé vers l’Autre, où c’est un pur altruisme. C’est là la grande confiance qui brille dans l’Evangile, c’est la «perle» trouvée par le marchand et qui a tout vendu pour l’acquérir, c’est Dieu, ce Dieu ! Jésus, qui en révélant la Trinité, nous a sauvés d’un dieu de cauchemar en dehors de nous, qui nous menaçait. C’est-à-dire il nous a sauvés d’un Dieu qui nous ressemblait ! Autrement dit, nous sommes sauvés de nous-même. Alors, nous osons l’admettre, et éteindre cette révolte contre ce vieux dieu. Mais avec la Trinité, nous entrons dans le monde de la relation, pour vivre tout sous la forme d’un don, nous vivons la relation avec nous-mêmes et avec les autres, dans une âme pleine d’amour, comme le Dieu qui se révèle en Jésus-Christ.
Kirkuk, en la fête du Saint-Esprit, 20 mai 2018.
(Bulletin du diocèse de Kirkuk et Sulaimanyah)